vendredi 17 mai 2024

Une maison abandonnée

 


Voilà,
soudain la maison de village où durant son enfance il avait passé quelques étés lui était soudainement apparue sans qu'il ne le réalise tout de suite. Il avait fallu un certain temps pour que son regard accommode cette ruine aux souvenirs qui s'y rattachaient : cette grand-tante qui n'avait jamais eu d'enfant et dont la compagnie était si douce. Les promenades avec elle le long de la voie ferrée, sur ce qu'elle appelait "le chemin vert". Elle s'installait sur son pliant et tricotait. C'est là qu'il avait appris à fabriquer des danseuses avec des fleurs de coquelicots. Il jouait aux petites voitures, ou bien dévorait son "Spirou" hebdomadaire qui était sa lecture de l'été. Il se souvenait des petits livres à fabriquer soi-même, de son grand-oncle qui lui avait appris à faire de la musique avec un peigne et une feuille de tabac à rouler, des excursions en micheline jusqu'à Niort pour aller au marché, et aussi de tous ces pots de fleurs dans la courette, du lait qu'il allait chercher à la ferme directement à l'étable, des bateaux qu'ils se fabriquait dans une écorce et qu'il faisait flotter dans le petit ru. Il était rentré dans cette bicoque. Le lit où ils dormaient était encore là. Quelque chose d'un monde ancien survivait... Des objets, rien que des objets abandonnés, et quelques lettres... première publication 28/09/2013 à 00:12


shared with the weekend in black and white

jeudi 16 mai 2024

Jardin du Palais Galliera

Voilà,
l'étonnement parfois de découvrir, dans la ville pourtant si familière, un point de vue que jamais encore mon regard n'avait saisi. N'être rien d'autre soudain que la concordance d'un lieu et d'un moment. Éprouver soudain le désir de partager cette infime fraction de seconde. À cause de la lumière, à cause du ciel. Ou du désir informulé que cette ville disparaisse sous un gigantesque jardin et ressemble à une idée du Paradis. Avec cette forme pure au loin, comme un élan, la trace d'un geste fou lancé vers le ciel, quatre courbes se rejoignant à la verticale pour filer invisibles vers l'infini.

mercredi 15 mai 2024

Format SX 70


Voilà
j'ai un rapport totalement fétichiste au format Polaroïd SX 70. D'une certaine façon peu importe l'image dans le cadre, ce qui m'émeut c'est précisément le cadre. Il y a trente ans déjà, je fabriquai des faux Polaroïds en inscrivant des photos trafiquées, des collages dans cet enclos. 


J'aimais l'idée de concevoir des instantanés d'un temps qui n'existait pas. Et puis la machine, l'objet était magnifique. Je me souviens  du film de Wenders "Alice dans les villes" et de Rudiger Vogler prenant des polaroïds dans les rues de New York. C'était nouveau cet aspect ludique et immédiat. Le côté mécanique, et le développement en plein air, la légère attente de l'apparition préservaient encore un peu de lenteur dans cette vitesse toute relative au regard de celle qui aujourd'hui nous aliène et nous assigne à une immédiateté presque contrainte.  Et puis il y avait aussi cette possibilité de bidouiller les tirages. On pouvait mettre la photo au congélateur pour interrompre l'émulsion afin d'obtenir des couleurs pastel. Ou bien on la faisait chauffer au dessus d'un grille pain et l'on intervenait à même la surface avec une spatule pour déformer le sujet. Ralph Steadman le célèbre dessinateur anglais a fait un album intitulé "Paranoïds" qui utilise ce procédé. Maintenant on fait tout aussi bien avec la fonction "doigt" d'un logiciel de traitement d'image.


 
Avec les nouveaux procédés, la variété immense des applications smartphone, on peut retrouver le plaisir facile de l'image immédiate et celui du traficotage. Bien sûr, l'objet même à disparu, son relief, son côté périssable, mais le charme demeure, et la fascination aussi. 
première publication 24/09/2011 à 14:34

mardi 14 mai 2024

Squero di San Trovaso




Voilà,
aujourd'hui je me suis réveillé avec le souvenir du Squero di San Trovaso, l'atelier où l'on répare les gondoles à Venise. Discret, à l'écart des splendeurs de la ville, ce lieu modeste dégage un charme singulier et particulièrement apaisant. Je me souviens avoir, un matin, ressenti là-bas dans la tiédeur des premiers beaux jours, le tendre enchantement d'un printemps encore timide et, touché alors par cette grâce fugitive que les japonais appellent kensho, immobile, accoudé au parapet d'un pont, avoir docilement accepté la caresse du soleil sans plus songer à rien.
première publication 29/03/2013 à 9:08

dimanche 12 mai 2024

Pêle-mêle avec zèbres et moustiques



 
Voilà,  
non loin de la mairie du XIV arrondissement, rue Boulard, le mur d'une école offre cette fresque étrange, de facture très classique signée Clémence Arnold. Je suis allé voir son site, très complet et j'ai été touché par la qualité de se travaux. Elle parle aussi de son parcours sur la page des ateliers Daguerre, qui lui ont commandé cette œuvre murale.
 
*
 
Hier soir, je suis resté un long moment abasourdi, sidéré devant la numération bien au dessus de la norme, apparue sur l'écran. Je ne m'y attendais pas. La fatigue des derniers mois était peut-être associée à d'autres causes que je ne soupçonnais pas. J'ai aussi réalisé que pendant quatre jours je n'avais parlé avec personne, à part une conversation avec Françoise M. que j'ai croisée par hasard (je ne l'ai pas immédiatement reconnue, elle était en scooter avec son casque, et s'est garée sur le bas côté) et une autre, brève, au téléphone avec ma fille, actuellement à Prague.
 

Je ne sais pas pourquoi, avant d'aller me coucher hier soir j'ai repensé à cette phrase de Peter Handke  dans son recueil de notes "L'histoire du crayon" : Ayant oublié la gaieté des formes il vivait dans l'inquiète légèreté de l'absence de forme. Je ne me sens pourtant pas particulièrement léger depuis huit mois.
 
*

 La semaine dernière, les rues de Paris étaient désertes en raison d'un pont (spécialité bien française) puisque c'était la fête de la victoire le 8 mai, et le jeudi de l'ascension le 9 qui sont deux jours fériés et ensuite le week-end. En posant un jour de congé le vendredi cela fait quatre jours de vacances. J'écris cela pour mes correspondant étrangers que cela pourrait étonner. La France est un pays soit-disant laïc mais les fêtes catholiques y sont pléthore ; il reste encore la pentecôte et son lundi. En fait en France le mois de Mai est un mois où l'on ne branle rien. Avec ces jours fériés cumulés, on est sûr qu'il n'y aura plus d'effervescence sociale comme en 1968. Alors, j'en ai profité pour — bien que je ne sois pas un as dans ce domaine là — bricoler, et j'ai installé des moustiquaires devant mes fenêtres. Cela faisait longtemps que cela me trottait dans la tête, de façon presque obsessionnelle. C'est un peu empirique mais ça tient. 
 

  - What need is there to stay in a world where you no longer have your place?
- oh dear, I have a feeling you're going to try a kamikaze raid
 
Je ne sais pas si c'est lié au traumatisme de l'année dernière où j'ai été attaqué durant tout le festival d'Avignon par des moustiques-tigres, dont on sait qu'ils remontent vers le Nord, ou bien parce que j'ai lu il y a quelques semaines que l'Argentine subissait sa pire épidémie de dengue dix fois plus puissante que l’année précédente à la même époque — selon des chiffres de la mi-avril plus de deux cents personnes en seraient mortes et 270 000 infectées —, j'ai donc été pris d'une frénésie d'aménagement local. 
 
*
 

Sinon parfois, dans la rue il arrive qu'on soit confronté à d'étranges apparitions, un peu déconcertantes, qui donnent de la fantaisie et de la poésie à ce monde qui en manque tant, car tout de même, on ne peut pas dire que les nouvelles de la planète soient particulièrement réjouissantes ces temps-ci.
Ainsi vont les choses dans le meilleur des mondes possibles.

vendredi 10 mai 2024

Villa "Les Arbouses"


Voilà
maintenant elle n'existe probablement plus, (je confirme j'ai vérifié sur google view) et lorsque j'ai pris cette photo à l'été 96, c'était une ruine. C'est la deuxième maison habitée à Biscarrosse plage : la villa "Les Arbouses", après la villa "La Jamaïque". C'était un meublé pas cher, terriblement humide dans lequel nous avons vécu à l'étroit pendant un an car mes parents y avaient entassé un partie de leur mobilier dans l'attente d'une de ces villas (à l'américaine comme disait ma mère) qui nous était déjà attribuée par l'armée. Sa construction n'était pas encore achevée, mais nous y habiterions incessamment sous peu. Je garde de ce logis qui dégageait une forte odeur de moisi un souvenir à la fois tendre et mélancolique et aussi très heureux en raison du sentiment de liberté éprouvé durant cette année là. J'étais la plupart du temps livré à moi-même. Je sortais de l'école, rentrais chez moi où mes parents qui travaillaient tous les deux n'étaient pas encore arrivés et j'allumais la radio a l'heure où passait l'émission "Salut les copains". Je faisais vaguement mes devoirs, lisais "le journal de Tintin" qui paraissait le mercredi c'est à dire la veille du jour de repos qui était alors le jeudi, m'attardant en particulier sur les aventures de Michel Vaillant, un pilote de courses. L'histoire en cours s'appelait "Suspense à Indianapolis", et elle était en effet haletante. Je dévorais aussi les anciens numéros du journal de Tintin que mon père avait reliés avec du chatterton vert, et je me souviens avoir, dans l'un de ces albums, découvert l'existence de Graham Hill le coureur automobile qui devint aussitôt mon héros car il était né la même année que lui (ce n'est qu'un peu plus tard que je me suis rendu compte du genre de type qu'il était vraiment). Graham Hill était déjà un des plus vieux pilotes du circuit mais réputé pour son flegme (c'est a cette époque sûrement que j'ai appris la signification de ce mot). Il conduisait une BRM avec le numéro 8 qui est depuis resté un de mes chiffres fétiches, et portait un casque facile à identifier à cause de sa décoration. Dans ces années-là j'étais incollable sur les pilotes et les voitures de courses. J'associe encore cette maison à des refrains des Supremes qui passaient souvent en radio et je crois qu'une part de moi vit encore dans ces chansons devenues une sorte d'invisible territoire. Évidemment je ne savais pas non plus à quoi ressemblaient ces chanteuses (peut-être alors ma libido en eût-elle été transformée). Bien des sensations, des émotions de ce temps-là remontent au présent quand j'entends "Baby love" par exemple, mais aussi la chanson de Gainsbourg "Couleur café". C'est la dune de Biscarrosse-Plage, le souvenir de son église ou encore le cinéma Atlantic, les parties de Rugby derrière la poste, l'école et sa cour de récréation recouverte d'aiguilles de pin... Oui c'est à cela qu'elles servent les chansons, à nous faire voyager dans le temps, à ranimer les braises dormantes de la mémoire. 
 première publication 25/4/2014 à 20:23

jeudi 9 mai 2024

Un souvenir doux amer

 

Voilà,
c'était en Août dernier, un dimanche je crois. Nous avons fait une balade en vélo du côté du bois de Boulogne, ma fille et moi. Août à Paris, c'est agréable, il n'y a jamais beaucoup de monde. En plus l'année dernière il ne faisait pas particulièrement chaud. Ça m'allait parfaitement après la fournaise avignonnaise. Lorsque nous sommes passés à proximité de la Fondation Vuitton, on a vu qu'il n'y avait pas trop de monde dans la file d'attente. Alors, comme ça, au débotté, nous sommes allés voir l'exposition Warhol/Basquiat. Ensuite, nous avons fait un tour au jardin d'acclimatation. La lumière était belle, la promenade fut paisible. 
En regardant cette photo maintenant, je ne peux m'empêcher de penser que nous ne savions rien encore de ce qui sournoisement faisait déjà son sale travail. "Le temps est passé mais l'émotion demeure intacte..."
Je me souviens que j'ai attendu un petit moment avant de déclencher car je voulais avoir dans mon cadre le passage de l'une des nacelles du manège.

mardi 7 mai 2024

Mais il y a toujours quelque chose qui m'échappe (14)


 
Ça me revient
quand j'étais enfant les épreuves de ski alpin étaient retransmises à la télévision, c'était l'époque de Jean-Claude Killy, Karl Schranz, Guy Périllat, Annie Famose, les sœurs Goitschel

ça me revient
dans le film "Pauvres Créatures", le savant qui dit au moment de mourir "c'est très intéressant ce qui se passe là". Je trouve que c'est la meilleure réplique du film
 
ça me revient
Le choc ressenti en lisant "Le Démon" d’Hubert Selby Jr

ça me revient
la première fois où j’ai vu, lors de cette émission du dimanche soir, intitulé le ciné club de Claude-Jean Philippe, le film "Hangover Square"  de John Brahm avec cet extraordinaire acteur Laird Creggar et la musique de Bernard Hermann

ça me revient
la fois où j'étais tout content de faire écouter à ma fille "a rainbow in curved air" de Terry Riley, parce que je trouvais qu'après toute ces années ça tenait encore la route, et qu'elle m'a ironiquement répondu que ça ressemblait à une sonnerie de téléphone 

ça me revient
quand le président Pompidou est mort, j'étais en vacances avec mes parents et mon frère cadet (le benjamin était en route). Je me souviens que quelques mois auparavant, Roger Wen, avait dit à Philippe et Dominique, qu'il tenait de source sûre que Pompidou était très malade
 
ça me revient
Au 136 bd Montparnasse il y avait une galerie qui exposait des trompe l’œil. Elle avait un nom italien dont je ne me souviens pas, Gualtieri, peut-être, il faudrait vérifier sur un vieil annuaire.

ça me revient
L’actrice Clémentine Celarié lors du sidaction 1994 avait embrassé un malade du sida sur la bouche pour prouver que cela ne se transmettait pas par un baiser.
 
ça me revient 
la cassette de "Rhapsody in Blue" de George Gerschwin par Michel Legrand, que j'avais achetée pour mon père et que finalement j'écoutais tout seul dans ma chambre
 
ça me revient
lorsque dans le confortable et moderne salon de la rue de Vaugirard, le dimanche soir, nous regardions avec Philippe et Dominique les émissions de Bruno Monsaingeon sur Glenn Gould 
 
ça me revient
le premier match de Zidane en équipe de France, c'était à Bordeaux, contre la Tchécoslovaquie, l'affaire était plutôt mal engagée, il en rentré en cours de match et il a collé deux buts en 5 mn en toute fin de partie qui ont rétabli la situation et permis un match nul
 
ça me revient
le groupe québecois Beau Dommage que j'ai découvert lorsque Sophie Bernard m’avait prêté son appartement à l'été 77 avant que je n'emménage avec Agnès, et l'émerveillement que ce fut.
 
ça me revient
Oxymorron du groupe allemand Guru-Guru. Dans ma jeunesse, la partie instrumentale me faisait rêver, voyager intérieurement et très profondément, suscitant, lorsque j'avais un peu fumé, des images mentales très étonnantes. Il y avait aussi sensiblement à la même époque cette incroyable version très rock et survitaminée de "down in the the flood" de Bob Dylan, par le duo Finnegan & Wood sur leur album "crazed hipsters

ça me revient
la rue de l'Échaudé pendant le confinement, lorsqu'on n'avait le droit de se promener que dans un périmètre d'un kilomètre, qu'on était en quelque sorte tous dans la situation de prisonniers assignés à résidence avec un bracelet électronique, j'ai pris cette photo parce que j'enviais l'apparente insouciance de ces enfants.

ça me revient 
soudain le nom de John Surtees, un pilote de formule1, anglais je crois, du début des années soixante et qui conduisit pendant un temps une Lola climax avant de devenir champion du monde en 1964 sur Ferrari
 
ça me revient
l’engouement d’Agnès lorsqu’elle avait quinze ans pour le film "Harold et Maud" d’Al Hasby. Elle l'avait vu bien avant que je ne la connaisse, et cela faisait partie de ses films préférés, avec "L'enfant sauvage" de Truffaut

ça me revient
dans "le Journal de Mickey" version française, du début des années soixante, il y avait une bande dessinée intitulée "Les cinq sous de Lavarède". Après vérification, il s'agissait de l'adaptation d'un roman d'aventures paru en 1894 écrit par Paul d'Ivoi et Henri Chabrillat
 
ça me revient
mais il y a toujours quelque chose qui m'échappe 

lundi 6 mai 2024

Gentillesse


Voilà,
j'avais rencontré beaucoup de gentillesse cette fin d'après-midi de Janvier au fond de ce café. Juste une heure partagée, une présence, quelques mots de réconfort dont j'avais tant besoin et ce sourire si singulier. Je fus vraiment désarmé par tant de bonté, de générosité et de désintéressement. En chinois le mot Cheng désigne l'authenticité parfaite.

dimanche 5 mai 2024

Maison de la Radio

 
Voilà,
en Janvier dernier, la dernière fois où je me suis rendu à la Maison de la Radio pour y enregistrer des « voice over » pour une émission, comme il m'arrive quelquefois — trop rarement — de le faire, ces fresques joyeuses et colorées dans le hall d'accueil et dans l'escalier qui menait au bar, ont piqué ma curiosité car je ne les avais jamais vues auparavant. Je crois qu'elles avaient été réalisées pour un événement festif qui devait se dérouler dans ces murs durant le weekend qui allait suivre. Je ne sais pas si elles s'y trouvent encore.

 
J'aime particulièrement la maison de la Radio. Elle fut inaugurée en 1963 par De Gaulle et c'était alors le siège de ce qui s'appelait la RTF. Cet édifice représentait à mes yeux une idée du futur, sans doute en raison de son architecture et j'étais même allé le visiter peu de temps après mon arrivée à Paris. Durant mon enfance, dans le "Journal Tintin" que j'achetais tous les mercredi, des articles lui avaient été consacrés. La radio de mes jeunes années avait pourtant été Europe1, celle de SLC  salut les copains et continuerait d'être celle de ma préadolescence à cause de Campus l'émission du soir de Michel Lancelot. Ce n'est que plus tard vers 1972 ou 1973 que j'ai découvert le pop club de José Artur avec son délicieux générique de Claude Bolling, chanté par les Parisiennes dont le refrain joyeux et entraînant me rappelle l'année où je suis arrivé dans les Landes, et la période la plus sereine de mon enfance.
 
 

 
Ce bâtiment où il m'arrive donc occasionnellement de travailler reste toujours aussi fascinant, sans doute en raison de son caractère labyrinthique (je n'ai jamais su m'y orienter) et conserve quelque chose d'irréel est énigmatique. C'est aussi l'image d'un futur qui n'a pas eu lieu, celui que mon enfance imaginait Ces mondes qui ne sont pas advenus et que je portais en moi ne constituent autant que les actes que j'ai pu poser tout au long de ma vie. Ils n'en demeurent pas moins à leur façon, des événements — secrets, fantômes — mais des événements tout de même. D'ailleurs, comme le faisait remarquer Borges, on ne sait si la réalité relève du genre réaliste ou du genre fantastique.
Sur la photo, on peut remarquer sous l'esplanade les tentes de sans-abri, en bordure de la voie rapide qui longe la Seine. ça par contre c'est du genre réaliste et bien sordide.

vendredi 3 mai 2024

Absorbés


Voilà
je ne sais plus ce que ces gens regardent. Un défilé sans doute. Ou le roi de Zanzibar. C'était il y a longtemps. Au XXème siècle. La grâce de la photo fait qu'ils regardent encore au présent et pour toujours. Enfin "toujours" elle est bien bonne celle-là quel optimisme c'est sans doute le printemps me voilà en pleine efflorescence délirante. Les spectateurs. Je les aime bien moi les spectateurs en général. Je ne me lasse pas de leur air absorbé. Ils me font penser à cette phrase de Kafka : "le regard ne s'empare pas des images, ce sont elles qui s'emparent du regard. Elles inondent la conscience". Alors qu'on veuille s'accrocher ainsi aux grilles, peut-être au prix de contorsions parfois douloureuses, juste pour inonder sa conscience, voilà qui me réjouit. 'première publication 10/01/2012 à 10:15


jeudi 2 mai 2024

Rien qui m’appartienne

 

Voilà,
j'aimerais pouvoir dire et penser comme Kobayash Issa
Rien qui m'appartienne
Sinon la paix du cœur
Et la fraîcheur de l'air.
Je n’ai hélas ni cette légèreté ni cette capacité d’abandon
Un paysage parfois peut me donner l’illusoire et furtive impression
d’accéder à une forme de sérénité.
Mais ce qui se dissipe un moment ne tarde pas à revenir 
Et il est bien lourd le poids des fantômes dans la sarabande des souvenirs

mercredi 1 mai 2024

Un autre premier Mai


Voilà,
c'était le premier mai 2019 sur la place Edgar Quinet, cinq ans déjà. J'avais alors entrepris une liste des étonnements. Je devrais recommencer. Les listes c'est bien pratique lorsqu'on n'a pas d'idée. En ce moment j'éprouve ce que les grecs nommaient Aporia qui ne signifie pas simplement une difficulté à résoudre un problème, une contradiction insoluble dans un raisonnement, sens que le français a donné au mot aporie. Non c'est quelque chose de plus ample. C'est aussi l'incapacité de se rendre quelque part, de joindre quelqu'un. C'est le doute réel éprouvé concernant ce qu'on est, ce qu'on doit faire, qu'on doit dire. C'est la sensation de désarroi, d'angoisse même, face aux trois questions kantiennes "Que puis je croire ? Que dois-je faire ? Que m’est-il permis d’espérer ?". Questions qui autrefois constituaient un motif de blague. La réponse se résumait en général à "pas grand chose". 
À présent,
je consulte des sites spécialisés, je cherche des réponses. Des raisons d'espérer. Mais lorsqu'elles me sont données elles sont si complexes qu'elles me paraissent incompréhensibles.
Je n'ai plus envie de me lever, de bouger. Je prends du poids. Fatigue, torpeur. Insomnie.
Comment cette fois-ci en sortir ? 

dimanche 28 avril 2024

Un coup de crayon enlevé qu'ils disent

 
Voilà,
Je me fais que citer le cartel situé à l’entrée du magasin Van Cleef & Arpels qui prétend «faire souffler un vent de fraîcheur sur la place Vendôme ! Depuis sa fondation en 1906, la Maison célèbre chaque année l'éveil de la nature et s'inspire de la vitalité de la faune et de la flore dans ses créations. Complice de Van Cleef & Arpels ce depuis 2020, l'artiste Alexandre Benjamin Navet a imaginé un univers coloré. Son coup de crayon enlevé habille ainsi la façade des salons Vendôme, de fleurs élancées accompagnant avec poésie le retour du printemps.
Ils ne se sont quand même pas beaucoup foulés pour le texte, mais bon ! Paris sera toujours Paris, capitale du luxe et de la frivolité. D'ailleurs place Vendôme, où se trouvent enseignes de bijoutiers et de haute-couture et Grands Hôtels, le Ministère de la Justice constitue une sorte d'anomalie.

vendredi 26 avril 2024

Sun Sing Theatre


Voilà,
j'ai pris cette photo en février 1994, et franchement je ne me souviens absolument pas pourquoi je traînais la nuit dans Chinatown.
"Le Sun Sing Theatre était une salle situé au 75-85 East Broadway, sous le pont de Manhattan, dans le quartier chinois de New York. Comme quelques autres cinéma en langue chinoise, il offrait aux immigrés chinois la rare possibilité de se rencontrer en toute sécurité, de se rapprocher de leur pays d'origine, de découvrir la culture de la génération précédente ou de participer à l'engouement pour le cinéma dans leur langue maternelle.
La salle a ouvert ses portes en 1911 sous le nom de Florence Theater. Elle accueillit d'abord des spectacles de vaudeville et des films yiddish. Au fur et à mesure que la population du quartier changeait, la nature des pièces a évolué. En 1942, l'endroit a été rebaptisé New Canton et a commencé à présenter des spectacles d'opéra chinois. Une troupe professionnelle d'opéra de Hong Kong, bloquée à New York pendant la Seconde Guerre mondiale, contribua à maintenir le théâtre en vie pendant dix ans grâce à des représentations nocturnes. En 1950, le lieu devient un cinéma et passe à la projection exclusive de films. C'est alors qu'il est rebaptisé Sun Sing Theater.
En 1960, la ville ayant prévu d'ajouter un pont supérieur au Manhattan Bridge, la démolition du théâtre est programmée. Mais les ingénieurs parviennent à trouver un moyen de bâtir les supports du pont tout en sauvant la salle à condition de réduire la jauge. Passant d'environ 900 à un peu moins de 700 places, le théâtre survit. En 1972 pour tenter de concurrencer d'autres marchés du divertissement en pleine expansion, tels que le karaoké, les jeux d'argent, les programmes en langue chinoise sur la télévision par câble et les locations de vidéo, la direction rétablit des spectacles sur scène. Le Sun Sing Theatre finit toutefois par fermer définitivement ses portes en 1993, en même temps qu'un grand nombre de ses semblables.
Le Museum of Chinese in America (MOCA) a conservé un certain nombre d'objets du théâtre, notamment des billets, des panneaux de signalisation, des timbres, des uniformes et un tableau de cartes de titre manuscrites utilisées pour suivre les expéditions de films vers différents théâtres". (article du Museum of Chinese in America)

mercredi 24 avril 2024

Sous le ciel de Paris

 

Voilà,
il est malheureusement probable que la beauté ne sauvera pas le monde, tant les maîtres du monde s'acharnent à la détruire partout où ils le peuvent. Tout au plus peut-elle nous donner, lorsqu'on la trouve ou qu'on la crée, l'illusoire sensation de nous préserver de cette frénésie de carnage et de prédation qui désormais se propage un peu partout sur cette planète. 
"Plus d'un signe annonce l'hégémonie du délire" écrivait Cioran. 
J'aurai pourtant planté des fleurs, cet après midi, sous le ciel de Paris
 

dimanche 21 avril 2024

Cave des grands vins

 

Voilà,
sur le tronçon du Boulevard Montparnasse situé entre la carrefour Vavin et Port-Royal, trottoir de droite lorsqu'on se dirige précisément vers Port-Royal cette cave à vins lorsqu'elle est fermée offre au regard cet amusant rideau de fer peint par TocToc dont j'avais déjà, il y a fort longtemps publié une peinture murale. Ce n'est pas la partie du Boulevard que je fréquente le plus, mais elle me rappelle les premiers mois où de mon histoire avec A. que j'allais alors chercher à son école avant de revenir à pied vers chez elle. Je ne crois pas que cette cave à vin existait déjà à l'époque

jeudi 18 avril 2024

Soulagé

Voilà,
lundi dernier, en revenant de l'hôpital, nous avons, ma fille sa mère et moi, traversé à pied, le pont de Saint-Cloud, le cœur plus léger en dépit de ce ciel un peu chargé. Heureux et soulagés, nous avons même commis un selfie ensemble. Il me faudra du temps sans doute, pour oublier les affres de ces six derniers mois, les moments d'angoisse et de solitude, accrus par le silence de ceux qui si prompts autrefois à faire des déclarations d'amitié, se sont pitoyablement dérobés. Autant taire ce qui me passe par la tête à ce sujet. Heureusement d'autres, proches ou lointains, — certains même parmi les quelques lecteurs de ce blog —  ont su me témoigner une attention discrète et généreuse, et je les en remercie. Oui vraiment.
Je retiendrai tous ces moments complices en compagnie de ma fille, les promenades partagées sur les quais de Seine, dans le quartier latin, au jardin des plantes, les pièces et les films vus ensemble, les parties de cémantix sur le canapé, les matches de rugby et de foot à la télévision, les expositions visitées tous les deux, les moments de rien, les câlins, et puis sa force sa détermination, sans que jamais elle ne se plaigne. Les repas partagés aussi avec une de ses amies connue lors de son séjour Erasmus à Barcelone venue lui rendre visite depuis Munich au début et à la fin de son traitement. Et c'était bon de les voir ensemble à la maison, souriantes et gaies en dépit de l'adversité, si fortes de cette complicité.
 
Maintenant, je suis tout de même bien désorienté. Pendant six mois il a fallu faire comme si j'assurais, comme si je n'avais pas peur. Paraître fort, maîtriser, sourire, blaguer. À présent, je crois que je suis un peu en vrac. Depuis trois jours je ne cesse d'avoir envie de dormir.
Mais elle est vivante. Elle a recouvré la santé. Elle peut faire des projets d'avenir. Cela seul compte.
 

lundi 15 avril 2024

La Vie

 Voilà
 un jour singulier  
aujourd'hui
tant espéré
durant ces six derniers mois
un jour de délivrance
je suis si heureux 
si désemparé
aussi
je ne parviens pas à y croire 
(je ne suis pas doué pour le bonheur)
 c'est tellement miraculeux
oui
miraculeux
elle revient de si loin
ma fille

dimanche 14 avril 2024

Une grande actrice

 

Voilà,
Place St Sulpice, au pied de l'immeuble où vit Catherine Deneuve, se trouve ce pochoir signé Oja donnant l'illusion d'un assemblage d'azulejos. Une vraie fausse mosaïque en quelque sorte. Je trouve cela assez kitsch. Cela s'appelle "mes 80 saisons préférées" en référence au film d'André Téchiné  "Ma saison préférée"  dans lequel l'actrice désormais âgée de 80 ans, a autrefois joué.

vendredi 12 avril 2024

L'Histoire de nos ratages

 

Voilà,
ces derniers temps j’écoute en boucle le premier album de Steely Dan, que je ne connaissais pas et que j'ai découvert que très récemment. Serais-je devenu un homme d’une sensibilité différente si je l’avais découvert à seize ans lors de sa sortie ? Et en vertu de l’effet papillon quelle aurait été ma vie dès lors ? Qui sait si cet infime paramètre ne se serait pas révélé déterminant ?  En fait, le ce-qui-manque, abonde autant sinon plus dans nos vies, que ce dont elles semblent remplies. L' histoire de nos pertes, de nos oublis de nos ratages, de toutes les occasions perdues nous constitue au même titre que l’entrelacement d'actes d'événements et de circonstances qui, croyons-nous, forment la trame de nos existences. Comme l'écrivit Marguerit Yourcenar "c'est ce que je n'ai pas été, peut-être, qui définit ma vie avec le plus de justesse"
Et puis le monde lui-même, n'est-il pas aussi fait de toutes les béances qui trouent le champ du Réel ? Comme ces fromages qui se caractérisent autant par la densité de leur pâte que par le vide de leurs trous ? Il n'est qu'à songer à tout cet "idéal" qui brille dans le monde surtout par son absence : à commencer par cette trinité républicaine affichée au fronton de nos mairies que les faits pourtant ne cessent de démentir.
La part d’invisible d’inaccompli, de questions irrésolues, abandonnées, de projets inaboutis, les rêves oubliés au matin, toute cette masse manquante forme une trame qu'on ne peut certes observer, mais qui n'en demeure pas moins intensément présente, et revêt dans nos vies une importance que nous ne soupçonnons peut-être pas à sa juste mesure. Que serait il advenu si j'avais osé franchir la porte du cinéma Monge lorsqu'une certaine compagnie y jouait "Trotsky à Cayoacan" ? Ou s'il n'y avait pas eu cette stupide distraction près de l'église Notre-Dame-des-champs ? Où si j'avais été moins timide en certaines circonstances ? Où si j'avais eu des jugements moins péremptoires sur le théâtre à différentes époques de ma vie ? Si je m'étais attablé en certaine compagnie plutôt que de passer mon chemin. Mon existence eût été bien différente et aurait peut-être formé une autre version de moi, plus attrayante, ne serait-ce qu'à mes propres yeux, et peut-être aussi pour les autres. 

jeudi 11 avril 2024

Près du bosquet


Voilà,
près du bosquet, là-bas, peut-être dénicherait-il un coin pour s'asseoir boire s'assoupir un temps, oublier. Mais impossible de trouver le repos. Toujours ses pensées le ramenaient à la sourde angoisse de son temps. Même dans ce coin retiré, il ne pouvait s'empêcher de s'abreuver aux nouvelles du monde. Sur son ordiphone il consultait ses notes, les publications des uns et des autres sur les réseaux sociaux, les dernières nouvelles, les bulletins de guerre où il était question de nouveaux bombardements, de civils massacrés. C'était épuisant, cette accumulation. Sans espoir. Il repensa à cette phrase d'Alphonse Allais qu'il avait lue par hasard, quelques temps auparavant : "Ne nous prenons pas au sérieux il n'y aura aucun survivant".  

mardi 9 avril 2024

Sam

Voilà,
pour la première fois de ma vie, il y a quelques jours, j'ai entendu, non sans étonnement d'ailleurs, quelqu'un me dire qu'un certain livre de Beckett — que pour ma part je trouve plutôt drôle — lui avait paru "vraiment répugnant".
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lundi 8 avril 2024

L'Huître et le Néant


 
Voilà,
j'ignore qui repose sous cette tombe ni si les coquilles d'huîtres sont destinées à demeurer dessus. 
Je me suis beaucoup questionné sur cette"installation". 
Est-ce la sépulture d'un écailleur d'une des grandes brasseries du quartier ?
Celle de quelqu'un qui avait souhaité que ses amis dégustent des huîtres au jour de son inhumation.
J'ai retrouvé des épitaphes de gens plus ou moins célèbres notées sur mon smartphone
Ici repose celui dont le nom était écrit dans l'eau (John Keats)
je meurs vraiment au dessus de mes moyens (Oscar Wilde)
Je perds mes dents je meurs en détail (Voltaire)
Huit jours avec la fièvre j'aurais eu encore le temps d'écrire un livre (Balzac)
maintenant je sais quelque chose que tu ne sais pas
ici repose un athée tout habillé qui ne sait où aller
Ils étaient bons ces champignons
Je vous l'avais dit que j'étais malade
Mon dernier rôle est un rôle de décomposition 
Enfin seul (Arman)  
J'ai fait ce que j'ai pu, que ceux qui le peuvent fassent mieux ( Stanislaw Lem)

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